Communiqué
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L’OIM en Iraq voit croître le nombre de déplacés internes à Mossoul tandis que les affrontements s’intensifient

Iraq - Depuis le début des efforts des forces iraquiennes visant à reprendre le secteur ouest de Mossoul le 19 février, l’OIM fait état de plus de 10 000 hommes, femmes et enfants actuellement déplacés dans la zone, d’après le Ministère iraquien de la migration et du déplacement (MoMD).

En plus des 3 000-4 000 déplacés internes déjà arrivés dans les sites d’urgence établis par tout un ensemble d’organismes humanitaire, le MoMD indique qu’au moins 6 000 autres personnes attendaient, lundi soir, à deux postes de contrôle différents, dans l’espoir de trouver un abri pour la nuit.

D’après l’OIM, quelque 1 650 personnes sont arrivées aujourd’hui au centre d’Hamam al-Aleel, et près de 2 800 sur le site de la piste d’atterrissage de Qayara dimanche soir. Ces deux sites se trouvent dans le gouvernorat de Ninive, au sud-est de Mossoul.

Selon le MoMD, 3 000 autres personnes sont déjà en chemin vers les postes de contrôle et devraient y arriver demain.

Ces chiffres, parmi les plus élevés ces dernières semaines, ne sont qu’une petite partie des 250 000 personnes qui pourraient déjà être déplacées de l’ouest de Mossoul à mesure que les affrontements s’intensifient pour reprendre la ville, d’après Hala Jaber, chargée de presse de l’OIM en Iraq.

« Nous sommes très inquiets pour les 750 000 personnes bloquées dans le secteur ouest densément peuplé, dans des conditions qui se détériorent de jour en jour, d’après les informations et les témoignages recueillis de ceux qui sont parvenus à s’échapper », a t-elle déclaré.

Hala Jaber a raconté le calvaire d’Hajir, âgée de seulement 10 jours, et de ses cinq frères et sœurs, qui ont fui Mossoul après avoir perdu leur père et deux oncles lorsqu’un obus vraisemblablement tiré par les forces de Daesh a atterri sur leur maison. « Cela s’est produit seulement quelques heures avant leur arrivée au site d’urgence de l’OIM hier soir », a t-elle expliqué.

Hajir et ses frères et sœurs faisaient partie des près de 400 familles (2 400 personnes) qui ont été contraintes de fuir le district d’Hay al-Maamoun hier, tandis que Daesh et l’armée se sont livrés à des affrontements féroces avant que l’armée ne reprenne le district.

Elle a ajouté que la mère du nourrisson avait été grièvement blessée et que, dans le chaos de sa fuite, la famille a perdu sa trace, apprenant plus tard qu’elle avait été évacuée vers un hôpital par des soldats iraquiens. Les enfants ont ensuite appris qu’elle souffrait d’une grave blessure au cou provoqué par un éclat d’obus.

Lundi après-midi, ils ne savaient toujours pas si elle avait survécu ou succombé à ses blessures. Le grand-père d’Hajir l’a cherchée dans les hôpitaux près du site d’urgence. Plusieurs heures après leur arrivée en bus sur le site d’urgence de l’OIM à Qayara, la famille n’avait toujours pas de nouvelles.

Mais le calvaire d’Hajir ne s’est pas arrêté là. Elle n’avait pas pris le sein depuis plusieurs heures. Elle avait faim, était faible et sale, dans un état d’extrême fragilité. « Elle mourra si elle n’est pas prise en charge, s’il vous plaît, aidez-nous à lui trouver du lait », a supplié un proche auprès d’un résident du site d’urgence, Khalaf, qui travaillait à Qayara.

Khalaf a pris le bébé dans sa tente, a réveillé sa femme et lui a expliqué l’urgence de la situation. Depuis qu’elle a fui Daesh en novembre et qu’elle est arrivée au site d’urgence de l’OIM en décembre, Hanan a donné naissance à leur enfant, Fatima, une heure après leur arrivée. Fatima était le premier enfant née dans le site d’urgence.

Mais Hanan ne pouvait pas allaiter Hajir car le stress subi par la fuite de Mossoul a épuisé son lait maternel. Le couple a quand même pu trouver du lait en poudre, des vêtements de rechange et des couches jetables pour Hajir. « Elle est comme notre petite Fatima », a confié Hanan avec le sourire, tout en donnant le biberon à Hajir. 

 

Bon nombre des personnes arrivées hier sur la piste d’atterrissage de l’OIM à Qayara, y compris des enfants, ont raconté avoir vu des corps sans vie dans les rues pendant qu’elles fuyaient. De nombreux corps étaient ceux de combattants de Daesh, d’autres étaient des corps de civils mutilés par des engins explosifs improvisés posés par des militants.

Les maisons, les boutiques et les magasins de ceux qui ont fui sont confisqués par Daesh. L’EI pille également les maisons des classes aisées, qui avaient stocké des denrées alimentaires et confisquent leurs réserves.

Des brochures ont également été déposées dans certaines des zones conquises du coté est, avertissant les habitants que s’ils restent, ils seront considérés comme « l’ennemi ».

Le gouvernement iraquien a décidé, dans un premier temps, de transporter les personnes déplacées à l’ouest de Mossoul vers des camps à l’est, tout en augmentant les capacités dans le sud.

Ce qui menace de devenir une crise humanitaire pour les civils à l’ouest de Mossoul fait intervenir l’OIM, les Nations Unies et d’autres organismes humanitaires jour et nuit pour étendre les camps et entreposer des réserves dans des dépôts pour répondre aux besoins des déplacés.

Le site de la piste d’atterrissage de l’OIM à Qayara, où l’OIM déploie désormais une équipe de quatre personnes qui distribue de l’aide non alimentaire d’urgence aux familles déplacées qui arrivent la nuit, accueille actuellement 4 472 familles déplacées (25 344 personnes), pour une capacité prévue de 10 000 familles (60 000 personnes).

Le site d’Haj Ali accueille actuellement 1 565 familles déplacées (6 994 personnes), pour une capacité d’accueil prévue de 7 000 familles (40 000 individus).

Au total, 37 330 familles (223 980 personnes) ont été déplacées du couloir de Mossoul depuis le début des opérations militaires le 17 octobre 2016. Parmi elles, 29 426 (176 556 personnes) restent aujourd’hui déplacées. La majorité provient du district de Mossoul.

Lundi, les forces iraquiennes ont repris un pont de Mossoul endommagé qui pourrait relier leurs unités de chaque côté du Tigre, permettant à des milliers de civils de fuir les affrontements qui sévissent dans les bastions restants de Daesh.

Des habitants récemment déplacés ont parlé de la dégradation des conditions à l’ouest de Mossoul, allant des pénuries de nourriture, de carburant, de médicaments et d’eau, à la flambée des prix, en passant par les menaces de Daesh contre les civils, même contre ceux qui envisagent de fuir.

Um Mahmoud, 50 ans, est arrivée sur le site de l’OIM à Qayara dimanche soir. Elle a expliqué que ceux qui étaient restés à Mossoul devaient improviser pour trouver du carburant pour rester au chaud et cuisiner.

Pour ceux qui ne peuvent faire face à la flambée des prix, la nourriture est presque inaccessible. Une bouteille d’huile de cuisine coûte actuellement 18 000 dinars iraquiens, soit plus de dix fois son prix normal. Le sac de farine de 50 kg coûte maintenant 120 000 dinars, soit une hausse de 1 000 pourcent. Un kilo de sucre coûte 20 000 dinars. Um Mohammed a déclaré que les gens utilisaient désormais de l’essence de vanille sucrée comme substitut au sucre.

Les habitants de Mossoul cuisinent également une racine habituellement marinée. « Nous la cuisinons comme la pomme de terre en la faisant bouillir, même si elle n’a aucun goût. Au moins, elle nous rassasie », a expliqué Um Mohammed.

Ses mains ont été noircies par le pétrole et elle explique que la voix des gens est devenue rauque à cause de la fumée nocive qui plane au-dessus de la ville. « Nous sommes restés par peur de Daesh. Les gens qui ont tenté de fuir ont été arrêtés, les hommes ont été tués et les femmes ligotées dans le froid en guise de punition », a t-elle déclaré.

Ceux qui ont fui ont décrit comment les voitures étaient choisies au hasard pour être utilisées comme voitures piégées contre les troupes en approche. Les explosions des voitures piégées sont suivies du suicide des kamikazes.

Ils expliquent également que les militants obligent les habitants à retirer leurs portails pour faciliter leurs déplacements et leur permettre de fuir rapidement lorsque l’armée iraquienne approche.

Les familles qui fuient avec des enfants couvrent la bouche de ces derniers pour éviter qu’ils ne pleurent ou qu’ils émettent des sons qui alerteraient Daesh. D’autres familles donnent à leurs enfants des somnifères ou du valium pour les garder silencieux pendant leur fuite.

« Les histoires des survivants sont déchirantes. Nos équipes de l’OIM et autres partenaires humanitaires sur le terrain sont témoins, chaque jour, de la tragédie inqualifiable qui s’abat sur les habitants de Mossoul. Nous sommes très inquiets du sort de dizaines de milliers de familles toujours bloquées à l’ouest de Mossoul. En partenariat avec le gouvernement iraquien, nous travaillons jour et nuit pour aider et appeler à la générosité et au soutien de la communauté internationale », a déclaré Thomas Lothar Weiss, chef de mission de l’OIM en Iraq.

Les chiffres du suivi des déplacements de la DTM sur le déplacement faisant suite aux opérations à Mossoul sont disponibles sur : http://iraqdtm.iom.int/EmergencyTracking.aspx

Le dernier rapport intégral de la DTM sur le déplacement et les retours à travers l’Iraq est disponible sur le site web de la DTM : http://iraqdtm.iom.int 

Aperçu des opérations à Mossoul (28 février) : https://www.iom.int/sites/default/files/press_release/file/IOM_Iraq-DTM_Mosul_Operations_Snapshot-Feb28.pdf

Analyse du déplacement dans le couloir de Mossoul (27 février) : http://iraqdtm.iom.int/Downloads/DTM%20Emergency%20Tracking/Mosul%20Crisis/DTM%20ET%20Mosul%20Corridor%20IDPs%20Analysis_28112016.pdf

Pour plus d’informations, veuillez contacter l’OIM en Iraq, Hala Jaber, Tel. +964 751 740 1654, Email: hjaberbent@iom.int ou Sandra Black, Tel. +964 751 234 2550, Email: sblack@iom.int