Communiqué
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Le projet de loi britannique sur l'immigration illégale exacerbe les risques pour les survivants de l'esclavage moderne : OIM

Londres/Genève – L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) est profondément préoccupée par les changements récemment proposés au système de protection contre l'esclavage moderne au Royaume-Uni dans le cadre du nouveau projet de loi sur la migration illégale. Les changements proposés, s'ils sont adoptés, limiteront la capacité des survivants à dénoncer la traite et à obtenir de l'aide, ce qui risque d'exacerber la vulnérabilité des victimes, de donner aux trafiquants plus de contrôle sur elles et d'aggraver les risques d'une exploitation plus importante.  

L'analyse faite par l'OIM des données du Mécanisme national d'orientation du Ministère de l'Intérieur britannique - le système officiel du Royaume-Uni destiné à identifier et soutenir les victimes de l'esclavage moderne et de la traite - met en évidence d’importantes inquiétudes pour les survivants de l'esclavage moderne, notamment des délais d'attente déraisonnablement longs pour obtenir une décision, qui sont multipliés par deux dans le cas des femmes, ce qui est d’autant plus inquiétant. Sur la base de son expérience de travail avec les survivants et de ses recherches, l'OIM estime que le nombre actuel de victimes qu’elle soutient n'est que la partie émergée de l'iceberg, de nombreuses victimes passant inaperçues car elles choisissent de ne pas demander d'aide par crainte d'être expulsées.  

« Plusieurs déclarations ont été faites au sujet de migrants irréguliers qui auraient abusé du système de protection contre l'esclavage moderne. Les données disponibles au public ne montrent aucune preuve de recours abusif », a déclaré Christa Rottensteiner, chef de mission de l'OIM au Royaume-Uni.  

« En outre, seuls 7 pour cent des individus arrivant à bord de petites embarcations sont orientées comme potentielles victimes d'esclavage moderne », a-t-elle ajouté.  

Le projet de loi sur la migration irrégulière, dans sa forme actuelle, empêcherait les victimes qui arrivent de manière irrégulière d'accéder au Mécanisme national d’orientation et d'obtenir l’appui et la protection dont elles ont besoin. Au lieu de cela, ces personnes seraient détenues et expulsées.  

Les victimes ont droit à une période pour se remettre et ont des besoins de protection qui doivent être satisfaits. Si les États ont le droit souverain de gérer la mobilité sur leur territoire, ils doivent le faire dans le respect des obligations et des conventions internationales et régionales, notamment la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Conformément aux lignes directrices du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme sur les droits de l'homme et la traite des êtres humains, les victimes de la traite ne doivent pas être inculpées ou poursuivies au motif qu’elles sont entrées ou résident de manière illégale dans les pays de transit ou de destination1.  

L'OIM plaide en faveur d'un délai de traitement plus court dans la procédure du Mécanisme national d’orientation, en particulier pour les femmes. Cet objectif pourrait être atteint en renforçant la capacité du système à traiter le retard accumulé ainsi que le nombre croissant d’orientations, conformément aux efforts déployés par le gouvernement britannique et d'autres partenaires d’orientation visant à améliorer la capacité à reconnaître efficacement les cas d'esclavage moderne. En plus d'une prise de décision plus rapide, le soutien apporté à l’issue de la procédure du Mécanisme doit également être amélioré, afin que les personnes qui reçoivent une décision positive puissent bénéficier d'une prise en charge appropriée, y compris un appui pour accéder au marché du travail.  

L'OIM est prête à soutenir les efforts visant à renforcer l'assistance à long terme fournie aux survivants, notamment par le biais de notre formation professionnelle et de notre soutien à l'intégration.  

« Nous apprécions la façon dont le Royaume-Uni dirige la lutte contre l'esclavage moderne au niveau national et mondial, et nous l'encourageons à continuer à montrer la voie dans les meilleures pratiques pour soutenir les survivants », a conclu Mme. Rottensteiner.  

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1Le Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes, Note d’information sur la non-sanction des victimes de la traite, 2020  

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Pour plus d'informations, veuillez contacter :  

A Londres : Abir Soleiman, asoleiman@iom.int, +44 (0)747 019 5306  
A Bruxelles : Ryan Schroeder, rschroeder@iom.int, + 32 492 25 02 34 
A Genève : Safa Msehli, smsehli@iom.int, +41794035526  

 

Informations générales  

Le projet de loi sur l'immigration illégale a été présenté à la Chambre des Communes le 7 mars 2023. Son objectif est de « prévenir et décourager la migration illégale, et en particulier la migration par des voies dangereuses et illégales, en exigeant l'expulsion du Royaume-Uni de certaines personnes qui entrent ou arrivent au Royaume-Uni en violation du contrôle de l'immigration ».  

Plus d'informations sur ce sujet :  

Mécanisme national d'orientation 

Au Royaume-Uni, les victimes potentielles ne peuvent être orientées vers le Mécanisme national d’orientation que par des organisations spécialisées. La moitié des cas sont orientés par le Ministère de l'intérieur.  

Les données accessibles au public sur le processus décisionnel du Mécanisme montrent que les indications concernant les personnes qui peuvent accéder au système, avec des droits d'appel limités, sont déjà suffisantes. Le pourcentage élevé de décisions positives fondées sur des motifs concluants suggère également que le seuil initial fixé pour prendre une décision positive fondée sur des motifs raisonnables était approprié. 

Le Ministère de l’intérieur (décideur) a conclu que près de 90 pour cent des personnes orientées vers le Mécanisme en 2022 qui ont reçu une décision étaient des victimes de l'esclavage moderne et de la traite.  

Nationalités  

Les ressortissants britanniques représentent 25 pour cent de l'ensemble des personnes orientées vers le Mécanisme. Les orientations de ressortissants britanniques ont augmenté de plus de 3 000 pour cent depuis 2014, les enfants britanniques représentant près de la moitié de tous les enfants victimes potentiels de l'esclavage moderne en 2022.  

Malgré les allégations de recours abusif au Mécanisme, les deux tiers des ressortissants albanais orientés en tant que victimes potentielles de l'esclavage moderne en 2022, qui ont reçu une décision du Ministère de l'intérieur, se sont avérés être des victimes. Les ressortissants albanais figurent parmi les trois nationalités les plus orientées vers le Mécanisme depuis le début des recensements en 2014.  

Délai d'attente  

Le temps d'attente pour une décision du Mécanisme est actuellement le plus gros défi, faisant payer un lourd tribut aux femmes. Environ 30 000 personnes attendent une décision du Mécanisme pour savoir si elles sont victimes de l’esclavage moderne, dont certaines ont été orientées pour la première fois en 2014 et 2015.  

En 2022, le délai d'attente moyen pour de telles décisions était de 543 jours, avec 1 066 jours d'attente pour les femmes contre 448 jours pour les hommes.  

Soutien à l’issue de la procédure du Mécanisme 

Les personnes qui reçoivent une décision positive du Ministère de l'intérieur confirmant qu'elles sont victimes de l’esclavage moderne sont souvent livrées à elles-mêmes une fois que l'assistance du Mécanisme prend fin. Il est essentiel de veiller à ce que les survivants puissent bénéficier d'un soutien global à long terme, y compris de mesures leur permettant d'accéder au marché du travail. L'expertise de l'OIM en matière de formation professionnelle et d'aide à l'intégration pour les survivants de la traite permet de tirer des enseignements importants sur l'aide à l'emploi pour les survivants.