Communiqué
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Des mères et artistes sénégalaises font appel à l’art pour empêcher leurs enfants de partir

Some of the performers go through their paces during rehearsals. IOM/Marilena Crosato

Dakar - « Partir pour la réussite, pour l’honneur de nos mères… C’est seulement la faute de nos mères. » 

Marie Mané chante ce refrain, répété à l’unisson par une chorale de 40 femmes rassemblées au Monument de la Renaissance à Dakar. 

Ce refrain est plus qu’une chanson pour ces mères, filles et sœurs. C’est leur hymne pour lutter contre la migration irrégulière. 

Marie Mané est l’une des anciennes du groupe. Veuve et mère de deux enfants, elle est originaire de Casamance, au sud du Sénégal. Elle a rejoint une troupe de danse quand elle est arrivée à Dakar il y a quelques années. 

En chantant ce refrain, Marie sait ce qui se cache derrière ces paroles. Après la mort de son père, son neveu a reçu une petite partie de l’héritage pour atteindre l’Europe avec la complicité de sa mère, qui lui a demandé de grader son périple secret. 

« Vous voyez le fils de votre amie partir et il envoie de l’argent à sa mère tous les mois et vous vous dites, je dois encourager mon fils à partir, pour qu’il m’envoie lui aussi de l’argent tous les mois », confie Marie. « Mais… on ne peut être nulle part ailleurs que là où nous sommes censés être. On ne sait pas ce que le fils de l’amie fait pour pouvoir envoyer de l’argent. Nous devons parler à nos enfants, leur dire qu’ils peuvent réussir ici et surtout qu’ils doivent toujours préserver leur dignité », ajoute Marie. Une fois arrivé en Mauritanie, guidé par son instinct, son neveu est rentré à la maison et a choisi de construire sa vie dans son pays. 

En tant que membres de la troupe de danse professionnelle de femmes de la communauté de Lebou à Dakar, le collectif Slam au féminin et la troupe de danse Fatou Cissé, se sont rapprochés avec un objectif commun : sensibiliser les jeunes aux risques de la migration irrégulière. 

Sensibiliser en faisant ce qu’elles savent faire de mieux : écrire, chanter et danser. Elles se produisent aujourd’hui, 8 mars, lors d’une parade itinérante dans les rues de la capitale sénégalaise à l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes. 

« Je suis une artiste. Je peux aider à sensibiliser. Je peux parler pour les sans voix. Je suis la femme, la mère, la sœur qui peut aider ses frères, sœurs et enfants à survivre, et ne pas les laisser se sacrifier pour la « réussite » », déclare Aby Diagne, membre de la troupe de danse traditionnelle de femmes de la communauté de Lebou qu’elle a rejointe afin d’encourager les femmes à faire entendre leur voix dans une société où leurs paroles sont moins valorisées que celles des hommes. 

« J’ai perdu un frère, un ami. Sa mère l’a poussé à partir. Il a fini par prendre la « Route » et aujourd’hui, nous n’avons aucune nouvelle de lui. Il est peut-être mort en mer. J’ai envie de les aider quand je leur parle, leur expliquer que c’est notre faute. Nous voulions le meilleur pour eux mais au final, nous avons eu le pire », déclare Sœur Selbé, membre de Slam au Féminin

Au Sénégal, les mères soutiennent la migration de leur enfant ; elles aident à financer leur périple. Bien que Sœur Selbé reconnaisse la responsabilité des mères dans le départ des jeunes, elle reconnaît également son obligation à lutter contre les idées reçues, notamment celle selon laquelle la migration est le moyen de survie ultime. 

Mais elle ne peut pas réussir seule. Elle doit travailler avec ceux qui ont perdu des fils, des pères, des frères ou ceux qui ont conscience que partir n’est pas inévitable. « Aucun combat ne peut aboutir sans eux », explique-t-il. 

« Les femmes sont impliquées dans tous les problèmes qui touchent le pays : social, éducation, politique. C’est à nous qu’il appartient de prendre nos responsabilités car nous sommes le pilier de la société. C’est à nous de dire STOP, ça suffit, cela ne peut pas durer », a déclaré Sœur Selbé. 

C’est dans ce contexte que lorsque l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a appelé à célébrer la Journée internationale du droit des femmes, elles ont immédiatement accepté. Pendant toute une semaine d’ateliers préparatoires, des grands-mères, des mères et des jeunes femmes se sont réunies pour réfléchir à des messages sous forme de poèmes, de chansons et de chorégraphies. A l’issue de ces ateliers, une représentation sera donnée. 

« Nous avons regroupé les slammeurs (poésie) et les mères. La réflexion n’a pas été facile car nous venons de différents milieux, nous n’avons pas le même style de vie ou les mêmes expériences à partager. Mais nous avons appris les uns des autres, nous nous sommes écoutés, aidés et soutenus », déclare Sœur Selbé. 

Dans une société où la mort de celui qui est « parti » est tabou, l’art est la forme la plus appropriée pour faire passer des messages très difficiles à entendre. 

« Cette association de femmes de Lebou est l’héritage de nos grands-mères qui est transmis de génération en génération. Cela nous permet de perpétuer et de partager les traditions de nos ancêtres. Grâce à cette association, nous sommes écoutés et compris. » 

Pour ces femmes, la parade est une occasion de réaffirmer et de renouveler leur engagement à protéger leur communauté et à adresser un dernier message aux jeunes : Contentez-vous de ce que Dieu vous donne. Soyez patient, tôt ou tard, vous aurez ce que vous méritez. 

Depuis 2017, en partenariat avec les Etats africains, l’OIM a aidé au retour volontaire de plus de 55 000 Ouest-Africains qui étaient bloqués le long des itinéraires migratoires.

Fournir un accès rapide à des informations précises sur la migration, notamment sur les dangers le long des itinéraires migratoires par voie terrestre ou maritime, peut sauver des vies de milliers de jeunes Africains prêts à risquer leur vie pour atteindre l’Europe. 

Cette activité mise en œuvre par l’OIM a été rendue possible grâce au financement du gouvernement italien dans le cadre du Projet Aware Migrants. Elle fait partie des efforts déployés par l’OIM pour sensibiliser à la migration irrégulière en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Près de 10 000 événements de sensibilisation ont été organisés à travers la région depuis le lancement de l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants en 2017.

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Pour plus d’informations, veuillez contacter Florence Kim, Bureau régional de l’OIM pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, Tel : +221786206213, Email : fkim@iom.int