Communiqué
Global

286 000 personnes sont déplacées tandis que les familles continuent de perdre leurs proches dans les opérations à Mossoul

Iraq – Depuis le 25 février, lorsque les habitants de l’ouest de Mossoul ont commencé à fuir, la Matrice de suivi des déplacements (DTM) de l’OIM a identifié 27 634 familles au total (165 744 personnes) dans leur lieu de déplacement. 

Le plus grand groupe de ces déplacés (28 770 personnes) a trouvé refuge sur le site de la piste d’atterrissage de Qayara, construit par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en coopération avec le Ministère iraquien du déplacement et de la migration (MoMD). Le site d’urgence, le plus grand jamais construit pour faire face à la crise de Mossoul, accueille désormais 8 972 familles au total (48 959 personnes), soit une hausse de plus de 28 000 depuis que les opérations à l’ouest de Mossoul ont début le 19 février.

Les travaux de construction se poursuivent dans le second camp de l’OIM à Haj Ali, qui peut accueillir 7 500 familles (45 000 personnes). Actuellement, 4 356 parcelles (19 880 personnes) sont occupées principalement par des déplacés internes de l’ouest de Mossoul.

Plus de 286 020 personnes sont actuellement déplacées par les opérations à Mossoul, qui ont débuté le 17 octobre 2016. Ce chiffre actuel du déplacement a augmenté de 122 000 au cours du mois écoulé. Au total, plus de 350 000 personnes ont été déplacées par les opérations à Mossoul. Cela étant, au 23 mars, plus de 76 000 sont déjà rentrées.

Des milliers de déplacés perdent la vie en fuyant les affrontements à Mossoul. Voici l’histoire de Sara Alaa.

Recroquevillé, sanglotant en silence en murmurant des mots incompréhensibles, Abdullah s’agrippe au sac mortuaire qui semble vide comme si sa vie en dépendait.

A première vue, le sac mortuaire étendu sur la civière a l’air vide jusqu’à ce qu’Abdullah l’ouvre.

A l’intérieur git le corps de Sara Alaa, cinq ans.

La petite fille semble endormie. Ses yeux sont mi-clos, sa bouche mi-ouverte comme si elle respirait encore et son joli visage est intact. Ses cheveux noirs dégagés de son visage, elle porte un maillot avec des fleurs colorées et le mot « Love » inscrit dessus.

Son grand-père, Abdullah, l’avait amenée à l’hôpital de l’OIM à Hammam al-Alil lorsque l’EI lui a tiré dessus alors que sa famille tentait de fuir le quartier d’al-Jadeeda à Mossoul à l’aube de jeudi matin (23 mars). Abdullah, sa femme et sept autres membres de la famille, dont deux femmes non-voyantes et la famille de Sara, tentaient de fuir lorsqu’un tireur de l’EI a commencé à tirer pour les empêcher de partir.

« Nous sommes restés figés de peur. Les deux femmes non-voyantes sont tombées à terre. Des membres de la famille ont commencé à les traîner pour les ramener en sécurité dans un bâtiment à proximité », a déclaré Salah, le neveu d’Abdullah, qui avait accompagné ce dernier à l’hôpital.

Un autre tireur de l’EI est apparu en haut de la rue où ils se cachaient, mitraillant la zone pour empêcher les familles de fuir.

Abdullah a instinctivement saisi la petite Sara, terrifiée, et l’a serrée dans ses bras.

« Je l’ai prise dans mes bras pour la protéger des tirs », a-t-il déclaré en sanglotant.

Mais le tireur a été trop rapide. Deux balles ont été tirées, l’une est entrée dans le dos de la petite Sara en ressortant par sa poitrine, transperçant son cœur. L’autre a atteint Abdullah à l’abdomen. 

Dans la panique, Abdullah, son neveu et la petite Sara ont été mis dans une voiture et conduits vers l’hôpital de l’OIM et de la Société qatarie du Croissant-Rouge (QRCS) à Hammam al-Alil.

« Lorsque Sara est arrivée à l’hôpital, elle était déjà morte », a expliqué le chirurgien de garde ce matin-là.

En fin de matinée, la mère de Sara était en route vers l’hôpital, ignorant que sa plus jeune fille avait été tuée.

« Je ne pouvais pas le dire à sa mère au téléphone », a confié Abdullah, inconsolable. « Elle est dans un taxi en chemin pour venir ici et ne sait pas que sa fille est morte », a-t-il poursuivi en plongeant sa tête dans le sac mortuaire, en pleurs.

« Nous devrions être en train de fêter la libération de notre quartier après avoir survécu deux ans et demi sous le contrôle de l’EI », a-t-il déclaré. « Au lieu de cela, nous sommes en deuil. Sa vie avait commencé sous l’EI et s’est terminée sous leurs tirs », a conclu Abdullah.

Environ 600 000 personnes se trouvent toujours dans les quartiers de l’ouest de Mossoul détenus par l’EI. Parmi elles, 400 000 sont « bloquées » dans la vieille ville dans des conditions de quasi-siège.

Pendant toute la matinée, les victimes du conflit sont arrivées à l’hôpital de l’OIM et du QRCS.

Ali, sept ans, a été amputé du pied gauche il y a deux jours et a maintenant besoin de soins post-opératoires. Ses deux tantes sont venues avec lui car sa mère, qui avait été blessée, est alitée.

« Chhhhuuuut », murmuraient-elles à l’oreille d’Ali, pleurant de douleur. « Il ne sait pas encore qu’il a perdu un pied. »

Puis est arrivé Firas, 19 ans, blessé au dos par un tireur de l’EI alors qu’il tentait de fuir le quartier d’al-Jadeedad ce matin-là.

Un autre garçon de sept ans gémissait de douleurs alors que les médecins vérifiaient les fixateurs externes en métal qu’ils avaient attachés à sa jambe la semaine précédente. L’EI avait tiré un obus sur la maison de sa famille.

Une femme âgée diabétique, Umm Omar, a été admise en soins post-opératoires.

Elle n’a pas été victime d’un tireur ou d’un bombardement. Sous le contrôle de l’EI, en particulier ces derniers mois, l’accès aux soins, à l’insuline et à des aliments sains était très limité. Sans moyens pour traiter sa maladie, elle a développé une gangrène et a dû se faire amputer des deux jambes au-dessous du genou.

Les victimes, toutes originaires de Mossoul al-Jadeeda, affluaient à l’hôpital ce matin-là, racontant une histoire similaire, à savoir que l’EI leur a délibérément tiré dessus alors qu’ils tentaient de fuir. Ils tiraient pour tuer, ne faisant aucune différence entre les hommes, les femmes, les enfants et les personnes âgées.

L’équipe médicale de l’hôpital de l’OIM s’est activée sans relâche pour prendre en charge les victimes. Elle a soulagé les enfants et calmé les adultes en nettoyant, en désinfectant, en traitant et en pansant leurs plaies.

Au fur et à mesure de la journée, les mauvaises nouvelles ont continué, faisant état de plus de 130 civils tués par des bombardements de la coalition dans le même quartier de Mossoul al-Jadeeda.

L’EI a averti les civils qui tenteraient de quitter les zones sous leur contrôle. Ces dernières semaines, à mesure que les forces iraquiennes progressent dans Mossoul, l’EI impose un règne de terreur de plus en plus grand aux civils toujours bloqués.

L’EI utilise les civils comme boucliers humains, en les forçant à rester chez eux où les familles trouvent refuge et en tirant des obus depuis les toits des immeubles vers les étages inférieurs. Le nombre d’innocents tués est donc en hausse ces dernières semaines.

Les déplacés internes et les patients ont décrit la situation de nombreux civils qui vivent toujours à l’ouest de Mossoul comme extrêmement incertaine. S’ils restent, la probabilité de se faire tuer, soit par les bombardements de la coalition soit par les tirs d’artillerie de l’armée iraquienne, est élevée. S’ils partent, le risque de se faire tuer par des tireurs ou des obus de l’EI est toute aussi élevée.

Malgré les risques d’être tués par l’EI, beaucoup pensent que même si leur chance de s’en sortir est mince, le jeu en vaut la chandelle.

Pour plus d’informations, veuillez contacter l’OIM en Iraq :
Hala Jaber, Tel. +964 751 740 1654, Email: hjaberbent@iom.int, ou
Sandra Black, Tel. +964 751 234 2550, Email: sblack@iom.int