Migrant Stories

Rwanda: un expert de la diaspora aide des enfants atteints de déficiences mentales

Au centre de soins de jour Tubiteho, situé au centre de
Kigali, une trentaine de professeurs, d'aides-soignants et de
parents écoutent attentivement un intervenant au terme d'une
formation intensive sur les soins psychologiques et
éducatifs à apporter aux enfants atteints de
déficiences mentales.

Silas Iyakaremye est le centre de leur attention.
Psychothérapeute et expert en communication rwandais
installé en Belgique, il intervient dans le cadre d'une
mission de trois mois financée par le programme MIDA
(Migration pour le développement en Afrique) de l'OIM pour
la région des Grands Lacs.

« Notre objectif est de former le personnel de Tubiteho et
de centres du même type afin que les enfants atteints de
déficiences mentales puissent atteindre leur potentiel
réel » explique Silas Iyakaremye, qui travaille depuis
plus de 20 ans dans le domaine de la santé, de la
psychologie éducative et de l'enseignement auprès
d'enfants atteints de déficiences mentales.

Tubiteho – qui signifie « Prenons soin d'eux »
en Kinyarwanda – a été créé par
Gasana Ndoba et par le Dr Innocent Gakwaya, un temps
expatriés en Belgique, et qui ont tous deux une fille
atteinte de retard mental.

Gasana Ndoba, qui gère désormais l'association
Tubiteho, a décidé de retourner au Rwanda en 1999,
après avoir vécu et travaillé en Belgique
pendant 22 ans. Mais cette décision a été
difficile à prendre car sa fille est atteinte d'une
légère infirmité motrice
cérébrale. En Belgique, il était possible
d'avoir facilement accès à des services de soins et
des services éducatifs spécialisés, mais il
n'existe que très peu de centres spécialisés
du même type au Rwanda.

Gasana a finalement trouvé un centre endehors de Kigali
qui aurait pu prendre en charge Rusaro, mais ce centre était
trop éloigné de chez lui, et il a donc
décidé de créer un nouveau centre à
Kigali avec l'aide du Dr Innocent Gakwaya.

Ensemble, ils ont réussi à récolter deux
millions de Francs rwandais (4000 dollars) auprès de parents
d'autres enfants nécessitant des soins
spécialisés et de différentes ONG, dont
l'organisation irlandaise pour le développement Trocaire, et
à ouvrir le centre Tubiteho en octobre 2005.

Aujourd'hui, le centre Tubiteho repose exclusivement sur la
contribution des parents et seul l'enthousiasme de l'équipe
et son engagement compensent le manque de ressources. Il n'y a pas
d'équipements permettant de faire de la
physiothérapie et des exercices, et il n'y a ni ordinateurs,
ni logiciels éducatifs pour aider les enfants.

Les enfants dont les parents ne sont pas en mesure de couvrir
les frais ne peuvent être admis, mais le centre Tubiteho
essaie de mettre en place un programme de parrainage avec des
familles et des centres situés dans d'autres pays pour
récolter des fonds et être en mesure de prendre en
charge des enfants gratuitement.

Ce centre participe par ailleurs activement aux efforts mis en
oeuvre pour améliorer la situation des personnes souffrant
de maladies mentales au Rwanda. En janvier 2007, le Rwanda a
adopté une première loi sur les droits des personnes
handicapées, mais celle-ci portait essentiellement sur les
handicaps physiques plutôt que sur les handicaps mentaux.

L'OIM s'est engagée auprès de ce centre
après que ce dernier ait demandé l'aide de
l'Organisation en matière de formation au travers du bureau
du MIDA au sein du Ministère rwandais du Travail et des
Services publics. L'équipe MIDA de l'OIM à Bruxelles
s'est chargée de trouver des formateurs
spécialisés et a fini par recruter Silas
Iyakaremye.

L'ONG Handicap International s'est chargée de fournir des
moyens de transport pour permettre à d'autres centres
spécialisés situés à proximité
de Kigali de bénéficier de ce programme de
formation.

Agnès Mukashyaka, qui participe à cette formation,
a créé le centre Izere Mubyeyi (L'espoir des parents)
en 2002 parce qu'elle ne parvenait pas à trouver un centre
pour son fils adolescent. « Au Rwanda, les parents ont
tendance à cacher les enfants atteints de déficiences
mentales car ils ont souvent honte. Nous avons dû travailler
dur pour informer les parents sur ce qu'ils pouvaient faire pour
aider leurs enfants » explique-t-elle.

« Nous avons de nombreux besoins, mais nous n'avions pas
le savoir-faire. Cette formation nous a beaucoup appris sur les
besoins en termes d'éducation spécialisée. Si
nous avions eu ce savoir-faire auparavant, nous aurions pu
améliorer bien des choses plus tôt » explique
Agnés Mukashyaka, dont le centre accueille actuellement 72
enfants.

Cette formation, dispensée en kinyarwanda et en
français, couvre différents domaines tels que
l'examen clinique d'enfants atteints de handicaps, les
différentes techniques d'éducation
spécialisée et l'information auprès des
familles. Ancilla Kayiraba, qui participe également à
cette formation, enseigne à Kigali dans le centre Hirwa
Iwanyu (Faites comme chez vous), qu'elle dirige et qu'elle a
créé pour aider sa fille, Umutani, également
atteinte de déficience mentale.

« Avant, Umutoni était frustrée et
marginalisée. Elle ne comprenait pas pourquoi elle ne
pouvait pas aller à l'école comme ses frères
et soeurs. Aller dans ce centre a été
extrêmement positif pour elle. Elle se prépare tous
les jours pour aller à l'école comme les autres, elle
est tellement heureuse » explique Ancilla Kayiraba.

Thérèse Safari témoigne également de
l'importance des soins de jour pour sa fille Constance, au centre
Tubiteho depuis 2006. « Désormais, elle est en
compagnie d'autres enfants et elle apprend à lire et
à écrire, ce qui lui donne confiance en elle »
affirme-t-elle.

Aline Kanobayita, une travailleuse sociale diplômée
qui a dirigé le centre Tubiteho depuis 2005, affirme
cependant qu'elle et son équipe avaient besoin d'une
formation sur l'éducation spécialisée pour
prendre correctement soin des enfants dont ils ont la charge.

« Avant que Silas ne vienne nous former, nous devions nous
former par nousmêmes. Mais grâce à cette
formation, les choses sont bien plus structurées et nous
pouvons désormais avoir une approche au cas par cas »
explique-t-elle.

Silas Iyakaremye salue ces retours positifs, mais il admet qu'il
reste encore beaucoup à faire. « Beaucoup de personnes
m'ont demandé de revenir pour de nouvelles formations. Les
besoins sont énormes et les ressources sont limitées
» explique-t- il.

Il souligne l'absence d'évaluation individuelle de chaque
enfant et de diagnostic, qui a pour conséquence que de
nombreux enfants souffrant de troubles pouvant être
aisément traités sont exclus inutilement du cursus
scolaire normal.

« Un bon diagnostic de troubles tels que la dyslexie, les
troubles de l'attention, l'épilepsie et les déficits
auditifs, peut permettre à de nombreux enfants de suivre une
scolarité normale. Il reste beaucoup à faire pour que
les enfants aient accès au traitement dont ils ont besoin
» explique-t-il.

Jusqu'à pr ésent, 35 organisations rwandaises
partenaires ont pu bénéficier du programme MIDA de
l'OIM pour la région des Grands Lacs dans les domaines de
l'éducation, de la santé et du développement.
Près de 66 expatriés ont participé à ce
programme.