Migrant Stories

Petites victoires en Iraq : Zaina la bergère

« Elle avait deux ans quand c’est arrivé », a déclaré Zaina en montrant sa jeune fille, Saba, jouant avec un petit agneau dans son enclos. « Je ne crois pas qu’elle se souvienne du jour où son père a été tué… »

« Moi oui, bien sûr, comment pourrais-je l’oublier ? Mais vous devez comprendre qu’il est difficile pour moi d’en parler », nous a confié Zaina, avant de poursuivre : « Heureusement, j’ai ces moutons à élever et une entreprise à gérer. » Elle se lève alors pour remplir la mangeoire. « Non seulement ils me permettent de subvenir à mes besoins et à ceux de Saba mais ils me donnent aussi quelque chose à faire, quelque chose sur quoi me concentrer. Quand je travaille avec les moutons, je ne pense plus aux évènements terribles qui se sont produits dans le passé… »
 
Zaina Al-Hamdani est une jeune veuve de 27 ans d’Al Hussain, une communauté agricole dans le gouvernorat d’Anbar. Elle et son mari, Rami, se sont mariés en 2004 et Zaina a donné naissance à Saba un an plus tard. Rami subvenait aux besoins de sa jeune famille en vendant les moutons de la ferme de son père au marché local. Zaina restait à la maison et s’occupait du bétail et de leur nouveau-né.
 
Ils vivaient confortablement jusqu’à cette soirée en 2007 où Zaina a entendu frapper à la porte d’entrée. S’attendant à ouvrir à son mari qui devait rentrer du travail, elle a été surprise de trouver un officier de police dans son jardin.
 
Il lui a alors fait part de la terrible nouvelle : une bombe avait explosé dans une voiture près du marché. Rami et 6 autres commerçants avaient été tués. « Je ne l’ai d’abord pas cru. J’ai pensé que ça ne pouvait pas être vrai. Ensuite, Saba a commencé à gémir dans mes bras, en pleurs, hurlant de manière incontrôlable. C’était comme si elle avait compris ce qu’il s’était passé… C’est alors que j’ai réalisé que ce n’était pas un rêve. »

Jeune veuve de 21 ans, Zaina ne savait pas quoi faire. « J’étais si jeune et complètement effondrée. Je n’avais aucune idée de ce qu’être veuve voulait dire, je savais à peine ce que c’était d’être une femme et une mère… Je sais seulement que je m’inquiétais pour Saba, je m’inquiétais de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins, de la voir grandir sans père », a-t-elle expliqué.

Heureusement, les beaux-parents de Zaina l’ont autorisée à rester dans la maison où Rami et elle vivaient sur le terrain de ses parents. Cependant, sans l’argent que Rami rapportait du marché, Zaina et Saba devaient compter sur les économies et sur la charité de la famille. « Assez vite, les économies se sont épuisées et l’aide d’autrui ne suffisait pas », se souvient Zaina.

L’OIM a été informée du cas de Zaina en septembre 2008. En tant que mère veuve, elle était éligible au Programme de l’OIM pour la sécurité humaine et la stabilisation. Grâce à son expérience dans l’élevage de bétail, elle a reçu une subvention en nature de 15 moutons à élever et à vendre pour faire des bénéfices.

« Il y avait un espace près de ma maison que j’ai transformé en enclos », nous a raconté Zaina, tout en saisissant une tondeuse pour commencer à tondre la laine d’une brebis pleine. Et de poursuivre : « Techniquement parlant, je savais déjà ce que je faisais. J’avais aidé ma famille, puis celle de Rami, à élever du bétail. Ce sont plutôt mes émotions que j’ai eu du mal à gérer. »

« Les moutons me rappelaient sans cesse ma famille. J’avais grandi dans une grande ferme avec mes parents et puis j’ai fait une famille avec Rami… Maintenant, c’est juste Saba et moi. Au début, ce changement a été très difficile. Je pleurais la nuit, en pensant à Rami qui ne serait pas là le lendemain matin pour amener les moutons au marché. Mais après un certain temps, j’ai enfin ressenti du réconfort, et non de la douleur, grâce à mon élevage de moutons. J’ai ensuite commencé à être fière d’amener mes bêtes au marché pour les vendre. Les souvenirs de la famille que j’ai perdue ne sont désormais plus seulement des souvenirs amers du passé. Ils sont aujourd’hui porteurs d’espoir pour l’avenir. »

« Ils me rappellent que je suis forte. J’ai ma fille et maintenant, j’ai une entreprise à gérer. Je donne toute mon attention et mon amour dans mon travail, et mes moutons me permettent de subvenir à mes besoins et à ceux de ma fille. »

« Aujourd’hui, je gagne environ 600 dollars par mois. Je dépense 250 dollars en fournitures agricoles et les 350 dollars restants servent pour subvenir aux besoins de ma fille et entretenir ma maison. J’ai même réussi à économiser et j’ai hâte de pouvoir acheter quelques brebis supplémentaires à la fin du Ramadan. Plus j’ai de moutons, plus je ferai de bénéfices dans l’avenir. »

Saba, la fille de Zaina, avait quitté l’enclos à moutons pour venir timidement écouter la conversation. « Même si elle ne se souvient pas de son père, je vois son esprit en elle. Elle est première de sa classe et m’aide à la maison après ses devoirs. Je sais qu’il serait fier de nous… »