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Recontre parlementaire sur l'Europe : Migrations et integration

Mesdames, Messieurs les députés,

C'est un grand honneur pour moi d'être ici aujourd'hui
parmi vous et de pouvoir prendre la parole après la
présentation des brillants rapports que je viens
d'entendre.

J'aimerais brièvement prendre quelques moments pour vous
remercier de cette opportunité que vous m'offrez de pouvoir
dialoguer et échanger quelques idées sur les
défis imposant auxquels l'Europe fait face aujourd'hui, les
migrations et l'intégration. Il s'agit d'un problème
qui touche des gens, des personnes au plus profond d'elles
même et je comprends combien cela a pu occasionner un
débat aussi fascinant.

Ce dialogue interparlementaire intervient à un moment
clé au regard de la pression exercée sur chaque
aspect de la société européenne, par les
forces et les demandes en matière de migrations et
d'intégration, et j'espère que les
présentations que vous entendrez ce jour ne feront pas
qu'éveiller vos consciences mais que cela aboutira à
des décisions concrètes qui seront par la suite mise
en œuvre.

Dans ce débat que dire des facteurs clés qui
conditionne les politiques et l'intégration en Europe :

  • des migrants hautement qualifiés
  • de  la migration circulaire
  • du programme MIDA
  • des migrations et du genre
  • des migrations et des droits humains
  • et de la coopération entre pays d'origine et
    d'accueil

Tous ces thèmes sont clés dans une politique
d'intégration digne de ce nom.

Les migrants hautement
qualifiés

Malgré l'augmentation des coûts de la
mobilité et des contrôles aux frontières de
plus en plus tendus, ici en Europe, les gens  continuent
à migrer. En effet le taux migratoire a peu changé
ces dix dernières années. Le défi majeur
consiste à gérer ces flux d'êtres humains d'une
façon bénéfique aussi bien pour le migrant que
pour les pays d'origine et les pays de destination, c'est ce qu'on
appelle une politique migratoire. Comme nous le savons tous,
beaucoup de tentatives ont été faites pour trouver
une approche universelle concernant la gestion des flux
migratoires. Le constat actuel est que très peu ont
réussi parce qu'il est extrêmement difficile, voire
impossible de satisfaire les exigences de toutes les parties
prenantes dans ce processus.

Certes, compter sur un mécanisme de gestion qui prendrait
en compte tous nos soucis relatif aux mouvements migratoires serait
illusoire mais cela ne doit pas nous dissuader de nous efforcer
à chercher une solution raisonnable. L'Europe doit avancer
avec son temps et le temps aujourd'hui appelle à jeter un
nouveau regard, un regard conséquent sur les migrations et
sur les défis qu'elles engendrent.

Bien que l'Europe essaie d'anticiper les conséquences
résultant de la baisse de son taux de naissance et de
l'augmentation de la fuite de ses cerveaux, attirer les migrants
légaux et restructurer les systèmes nationaux pour
soutenir les choix de carrière et de famille aussi bien des
citoyens européens que des migrants extra européens
représenterait une double approche à
considérer et un passage obligé.

De ce fait, la proposition de la ‘'Carte Bleue'' ainsi que
les initiatives relatives aux migrations circulaires constituent
des étapes clés que la Commission européenne
devra prendre pour faire face au défi que représente
la migration. En vue d'attirer les migrants hautement
qualifiés originaire du tiers monde vers l'Union
européenne, l'OIM accueille positivement le modèle de
‘'Carte Bleue'' proposée comme un moyen pour l'UE de
rejoindre les autres principaux pays d'immigration comme
l'Australie, le Canada et les Etats-Unis, qui ont revigoré
leurs politiques d'immigration dans le but d'attirer les migrants
légaux hautement qualifiés.

Mais, l'Europe, aussi, doit être capable de revoir son
approche dans la manière dont elle gère les flux
migratoires. Si elle veut jouer un rôle de premier plan et
être cohérente avec elle-même, elle doit
innover, de manière conséquente et mettre en place un
mécanisme efficace qui capitalise les forces positives et
amoindrit les tendances lourdes de la migration. Elle a une
responsabilité historique face aux causes et aux
conséquences de ces mouvements, les déclarations
d'intention seules ne suffisent plus aux migrants ni aux dirigeants
de leurs pays d'origine.

Investir pour attirer les migrants légaux pour faire face
aux inquiétudes économiques et démographiques
de ses Etats membres est légitime mais pas suffisant. Il
faut que l'Europe initie une réforme sociale profonde qui la
rendra plus attractive pour le migrant légal et plus
respectueuse des valeurs universelles  dont elle se
réfère.

Beaucoup reste à faire pour le migrant légal en
Europe pour que celui-ci reste dans son pays hôte et lui
offre par la même occasion, un important retour sur 
investissement en termes d'économie et de charges
sociales.

Ainsi, les initiatives en matière d'intégration,
économiques et politiques et droits de l'homme doivent
être appliquées en synergie avec les plans
d'immigration pour maximiser les avantages potentiels de la
migration vis-à-vis de toutes les parties prenantes au
processus.

Migrations circulaires

Ce concept nécessite de plus amples discussions entre
toutes les parties impliquées, en particulier la
société civile, les industries et les employeurs
européens, les parlements locaux et nationaux et bien
évidement les différents départements des
gouvernements européens. En effet, les migrations
circulaires devraient permettre de faire face à
l'inquiétude suscitée par la ‘'fuite des
cerveaux'' dans les pays d'origine, en offrant au migrant la
possibilité d'un mouvement saisonnier légal entre son
pays d'origine et le pays de destination.

Par conséquent, Il serait pertinent d'établir et
de mettre en œuvre des normes de recrutements éthiques
et en même temps d'augmenter les investissements dans le
domaine de l'éducation dans les pays d'origine en
particulier dans les métiers spécialisés tels
que les services de santé, l'ingénierie et la
science, ce qui représenterait des options manifestes pour
les diplômés tant au pays qu'à
l'étranger.

Migration pour le développement en
Afrique (MIDA)

En ce qui concerne la fuite des cerveaux et ses
répercussions en particulier en Afrique, le concept cadre de
l'OIM "Migration pour le développement en Afrique» ou
‘'Initiative MIDA'' qui me tient à cœur, est
devenue l'approche fondamentale de l'Union européenne, et a
été adopté par la Commission européenne
et le Conseil européen.

Le MIDA est un programme de renforcement des capacités
qui aide à mobiliser les compétences acquises par les
ressortissants africains à l'étranger au profit du
développement de l'Afrique. Grâce à sa base
axée sur la mobilité, le MIDA vise à aider les
ressortissants africains à contribuer directement au
développement de leur pays d'origine.

Un certain nombre de programmes tout aussi important, promouvant
la facilitation du transfert de connaissances, des actifs et des
transferts de fonds entre les États membres de l'UE et les
États africains sont désormais mis en œuvre.
Beaucoup d'entre eux, je suis heureuse de le dire, sont
financés par la Commission européenne.

Migrations et genre

La complexité de la gestion des migrations ne fait aucun
doute: toutefois il existe de nombreux facteurs et acteurs qui
doivent être prises en considération, et un aspect qui
a été négligé pendant longtemps, est
celui du genre. Tout d'abord, les études sur les migrations
ont, pendant de nombreuses années, porté uniquement
sur les travailleurs migrants de sexe masculin, les femmes
étant reléguées à un rôle
secondaire, après leurs maris et enfants, sans statut
juridique propre.

La réalité actuelle est cependant tout à
fait différente: pour les femmes, la décision
d'émigrer est souvent motivée par des
éléments sexospécifiques tels que la
pauvreté, l'inégal accès aux ressources, la
violence sexuelle et la discrimination fondée sur le sexe
dans leur pays d'origine. A la recherche d'une vie meilleure, les
femmes prennent donc la grande décision de migrer.

Aujourd'hui, cette tendance est plus forte que jamais: une des
importantes illustrations de ce phénomène est
l'autonomie croissante des femmes dans les flux migratoires. En
effet, les femmes représentent plus de 45% de la population
migrante dans l'Union européenne, et bien que la plupart
d'entre elles accompagnent ou rejoignent un membre de leur famille,
un nombre croissant de femmes émigrent de leur propre
initiative à la recherche d'une vie meilleure pour
elles-mêmes et leurs familles.

Cette tendance a jusqu'à présent été
négligée à l'échelle mondiale par les
législateurs nationaux et européens. Malheureusement,
cette omission soulève un certain nombre d'obstacles dans
des domaines tels que l'intégration, le
co-développement et la participation économiques et
sociale des femmes migrantes dans les pays d'accueil

Compte tenu de l'attention particulière qui doit
être accordée aux questions de genre et au soutien des
femmes migrantes, l'OIM veille à ce que cette question soit
mise en avant dans tous ses projets. L'Unité de Coordination
des Questions de Genre promeut l'équité entre les
sexes et l'intégration d'une dimension genre dans les
structures et activités de l'Organisation, assure la mise en
œuvre de la politique genre et appuie le développement
d'initiatives. Créé en 1995, le «Groupe de
travail sur les questions de genre» ou «WGGI» a
joué un rôle clé en travaillant sur la
politique de genre de l'OIM, et depuis 1999, j'ai le
privilège de superviser cette unité.

Migrations et Droits Humains

1- Les Mutilations
génitales féminines (MGF)

Les droits humains des migrants soulèvent beaucoup de
questions, parmi lesquelles celle des mutilations génitales
féminines (MGF). Cette pratique est internationalement
reconnue comme étant une violation des droits fondamentaux
des filles et des femmes. A long terme, les conséquences de
cette pratique sont incontestablement néfastes.

Au cours de ces dernières années, l'OIM a
été de plus en plus impliquée dans la
sensibilisation des gouvernements européens ainsi que la
fourniture d'une assistance pour des activités
concrètes concernant ce sujet. De ce fait le Bureau de l'OIM
en Italie apporte actuellement une assistance au gouvernement
italien pour l'application de la loi sur les mutilations
génitales féminines adoptée en 2006. Quant
à notre bureau en Autriche, il travaille en étroite
coopération avec les autorités autrichiennes, y
compris le président du Parlement autrichien qui est
l'ambassadrice de bonne volonté du Comité Inter
Africain (CIA) et le Ministère de la femme, des
médias et de la fonction publique. L'Organisation fait
également partie du conseil des MGF établi par la
ville de Vienne, ainsi que du Comité des médias qui
travaille sur le Plan d'action national autrichien contre les
mutilations génitales féminines.

Une initiative pour une campagne mondiale est également
en cours de préparation et aura lieu dans neuf (9) pays
européens et onze (11) pays africains dans le but
d'encourager la construction de ponts et de renforcer la
cohérence des politiques entre l'UE et les pays africains
sur ce sujet.

2- Migrations et trafic
d'êtres humains

Excellences,

Messieurs les députés,

Comme beaucoup d'entre vous le savent l'OIM est pleinement
engagée dans la lutte contre un autre abus des droits de
l'homme liés à la migration. Les conditions
d'incertitude dans lesquelles le processus migratoire se
développe souvent, ainsi que le besoin
désespéré de trouver des opportunités
occasionnent la perte de logement pour les femmes et les hommes,
qui deviennent de ce fait vulnérables face à cet
horrible crime.

La traite des êtres humains, qui est en totale opposition
avec les travaux de l'OIM visant à assurer des migrations
humaines et ordonnées dans l'intérêt de tous
ainsi qu'avec la convention des Nations Unies sur les droits des
travailleurs migrants et de leurs familles, est maintenant plus que
jamais mis au premier plan. L'OIM a assiste plus de 14000 victimes
dans toutes les régions du monde, et environ 120 projets
sont actuellement mis en œuvre dans plus de 80 pays, dans
notre effort pour lutter contre le phénomène que le
Conseil de l'Europe a récemment décrit comme ayant
«atteint des proportions épidémiques au cours
la dernière décennie, avec un marché annuel
global d'environ 42,5 milliards de dollars ».

L'OIM a pour principaux objectifs la prévention de la
traite des personnes et la protection des victimes du commerce,
tout en offrant des options de sécurité et une
réinsertion durable et/ou de retour au pays d'origine. Comme
dans toute chose, il vaut mieux prévenir que guérir,
l'OIM mène des campagnes d'information à la fois dans
les pays d'origine et de destination pour éduquer le grand
public sur la traite des personnes, encourager les gens à
signaler les cas suspects, et fournir aux populations
vulnérables les informations nécessaires pour mieux
se protéger des techniques de recrutement des
trafiquants.

3- Renforcer les droits humains
à travers l'observation des élections

L'OIM croit fermement que des élections justes et
démocratiques peuvent apporter une stabilisation des droits
de l'homme et la démocratisation et donc prévenir les
migrations irrégulières, voir même permettre le
retour volontaire.

Pour protéger les droits fondamentaux des migrants par
l'appui à la démocratisation dans les pays tiers mais
aussi pour permettre le vote des migrants à partir de
l'extérieur, l'OIM a coopéré
étroitement avec l'Union européenne au cours des
dernières années. Depuis 2001, l'OIM a appuyé
la mise en oeuvre de plus de trente 30 missions d'observation des
élections de l'UE (MOE) dans le monde.

Enfin en 2006, l'OIM a agi comme partenaire d'exécution
pour un bon nombre de MOE de l'UE, y compris les élections
présidentielles en République démocratique du
Congo, et elle a également soutenu les missions de l'UE au
Venezuela, au Mexique, en Bolivie et au Timor-Leste, entre
autres.

En conclusion

L'OIM continue à soutenir et à encourager tous les
débats sur ces questions et pour autant qu'ils se rapportent
aux défis posés par les migrations et
l'intégration.

L'engagement de l'OIM sur l'agenda migratoire de la Commission
européenne est illustré par la nomination du bureau
de l'OIM à Vienne comme point focal national autrichien au
réseau européen des migrations, un réseau
cofinancé par la Commission européenne, pendant plus
de cinq ans. La tâche principale du point focal est de
fournir à l'échelle européenne des
informations de base pour l'élaboration des politiques de
migration et depuis sa création il y a eu une série
de discussions sur le Livre Vert relatif aux migrations
économiques.

J'appelle l'Union européenne, les membres de l'UE et les
parlements nationaux à veiller à ce que les pays
d'origine et d'accueil créent des conditions respectant les
droits de l'homme et les libertés civiques des migrants
concernés. Ces derniers ne doivent pas devenir un outil de
désaccords entre les gouvernements et les différents
acteurs d'une politique de gestion des migrations. J'ai
été interpellé par de nombreux gouvernements
extra européens en particulier des gouvernements non membres
et de l'UE et de l'OIM concernant la récente directive de
retour de l'UE qui brouille les relations entre l'UE et ses
partenaires en Afrique, en Amérique Latine et Asie.

Je salue la décision du gouvernement français de
rendre visite aux pays africains pour la discuter. Un réel
partenariat égalitaire serait  indispensable.

Au nom de l'Organisation internationale pour les migrations, je
voudrais réaffirmer notre soutien au Parlement
européen et vous réitérer notre volonté
de vous assister par tous les moyens possibles. J'attends avec
impatience la poursuite de l'étroite coopération
entre l'OIM et l'UE à l'avenir dans l'effort visant à
exploiter pleinement la puissance de la communauté des
migrants comme une force positive dans le monde d'aujourd'hui.

Je vous remercie de votre attention