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« Europe: Le développement par la migration et l'intégration » : Le développement par la migration Un Phenomene Mondial

Mesdames et Messieurs,

Chers Participants,

C'est un honneur d'être parmi vous aujourd'hui. Je tiens
tout d'abord à remercier le Goethe Institut d'avoir
été à l'initiative de ce colloque ainsi que
l'UNESCO et le Friedrich Ebert Stiftung pour leur
collaboration.

Je souhaite vous exprimer tout le plaisir qui est le mien de
pouvoir intervenir sur un thème qui me tient tout
particulièrement à cœur et qui est l'un des axes
de travail majeurs de l'Organisation Internationale pour les
Migrations, à savoir les migrations et le
développement. En effet, depuis sa création, l'OIM
essaye de sensibiliser ses partenaires internationaux sur les liens
qui existent entre les migrations et le développement dans
leurs politiques respectives. Aujourd'hui, cette idée
commence à faire son chemin et la Communauté
internationale prend conscience du rôle que les migrations
internationales peuvent jouer dans le but d'atteindre les objectifs
de développement.

Nombreuses sont les raisons qui poussent des millions de femmes
et d'hommes à prendre le chemin des migrations à la
recherche d'une vie meilleure. Aujourd'hui, emportées par la
mondialisation, les migrations reviennent au premier plan et
apparaissent comme l'un des traits déterminants de la vie
économique, sociale et politique d'un monde
caractérisé par la mobilité. En effet,
grâce aux nouveaux systèmes d'informations et
nouvelles technologies, les progrès dans les transports, les
migrants arrivent à maintenir des liens étroits
à la fois entre leur pays d'accueil et d'origine. Face
à cette nouvelle donne, ils ont la possibilité de
devenir acteurs du développement économique à
la fois dans leurs pays d'origine et d'accueil. Ils ont la
possibilité d'atténuer les effets négatifs des
migrations et tirer le meilleur parti des aspects positifs.

Contribution des migrants dans les pays
d'accueil

Les impacts positifs des migrants sur le développement
des pays d'accueil sont aujourd'hui reconnus. Par
l'atténuation des pénuries de main-d'œuvre,
l'enrichissement de capital humain et la création
d'opportunités d'emploi et de richesses résultant des
activités entrepreneuriales des immigrés, la
migration peut apporter aux pays de destination des avantages
macro-économiques substantiels.

Les migrants promeuvent également l'acceptation et la
tolérance et contribuent à bâtir des
sociétés plus saines. Ils engendrent le respect
mutuel et la cohésion sociale parmi des personnes issues de
différents milieux. Les migrants apportent avec eux un
ensemble de valeurs et un héritage culturel qui leurs sont
propres. Ils contribuent à renforcer les échanges
parmi les différentes régions, et favorisent le
respect de la diversité entre des communautés
culturellement distinctes.

Pourtant dans les pays développés, la question
migratoire n'est pas toujours perçue comme une force
positive. Au contraire, les migrants, notamment ceux en situation
irrégulière, sont trop souvent perçus à
tort, comme ayant un impact négatif sur les
sociétés. Cela s'illustre pour beaucoup de pays par
des mesures restrictives à l'immigration car ces pays
craignent un abaissement des conditions de travail et des salaires
et le développement de problèmes sociaux et
sécuritaires. Pour éviter les effets négatifs
de l'immigration, les pays de destination doivent mettre en place
des politiques gouvernementales proactives, globales et
cohérentes notamment des législations et des
politiques anti-discriminatoires mais aussi des mesures
d'intégration aux sociétés des pays
hôtes comme l'accès à l'éducation, aux
services de santé ou au logement.

Une attention particulière doit être ainsi
portée aux besoins de protection des migrants les plus
exposés aux risques de violations et d'abus. Des mesures et
des politiques de protection sont particulièrement
nécessaires tant sur le plan national qu'international pour
combattre la traite des humains et le trafic des migrants.

Contributions des migrants dans les pays
d'origine

De plus en plus d'éléments viennent étayer
la thèse selon laquelle les migrations internationales sont
en général bénéfiques aux pays
d'origine tout autant qu'aux pays d'accueil. En effet, le transfert
de qualifications acquises par les diasporas par
l'éducation, la formation et l'expérience
professionnelle peut contribuer au renforcement des
capacités dans les pays d'origine. Concrètement,
depuis 2001, l'Organisation internationale pour les migrations a
entrepris la mise en œuvre de son programme « Migrations
pour le développement en Afrique (MIDA) » qui a pour
vocation de développer les synergies potentielles entre les
profils des migrants africains et les besoins des pays, en
facilitant le transfert des compétences et des ressources
vitales de la diaspora africaine dans les pays d'origine. Il
s'appuie sur la notion de mobilité des personnes et des
ressources et, de cette façon, offre des options de
réinvestissement du capital humain sous la forme de retours
temporaires ou virtuels grâce à l'enseignement
à distance. Ce programme, qui ne modifie en rien le statut
légal des migrants dans leur pays d'accueil, s'adapte aux
besoins du pays d'origine et permet aux migrants d'apporter leurs
compétences et savoir-faire dans différents domaines
tels que l'éducation, les affaires sociales, la santé
et autres secteurs prioritaires.

A titre d'exemple, le programme MIDA Grands Lacs, financé
par le Gouvernement belge et qui cible le Burundi, la
République démocratique du Congo et le Rwanda a
permis la mobilisation de près de 1300 membres de la
diaspora originaires de ces pays dans les secteurs de
l'éducation, la santé et le développement
rural. Près de 300 missions ont été
effectuées dans ces pays et près de 150 institutions
ont été renforcées (universités,
administrations publiques, organismes privés). Les
bénéficiaires de ces missions ont été
principalement des étudiants, des ingénieurs, des
agriculteurs mais également des fonctionnaires. Etant
donné les bons résultats obtenus, ce programme a
été étendu jusqu'en 2008.

Quant au programme MIDA Italie soutenu par le Ministère
des Affaires Etrangères italien, il permet aux diasporas
sénégalaises et Ghanéennes de soutenir leurs
pays d'origine grâce notamment à la création de
petites ou moyennes entreprises, ou la mise en œuvre de
projets permettant la création d'emplois dans ces pays. Les
principaux secteurs concernés sont l'agriculture, le secteur
agro-alimentaire ou encore le développement rural. Ce
programme, en collaboration avec des partenaires italiens, promeut
entre autres la valorisation des transferts de fonds privés
des diasporas en faveur d'investissements productifs.

Le Programme MIDA Ghana Santé est un nouveau programme de
l'OIM mis en œuvre par les bureaux de l'OIM à La Haye
(Pays-Bas). Son objectif est d'améliorer le secteur de la
santé au Ghana suite au départ du pays de nombreux
professionnels du secteur. En fonction des besoins des
hôpitaux au Ghana, les participants peuvent effectuer des
missions de terrain ou transmettre leurs connaissances par le biais
de transferts virtuels. Les missions durent en moyenne de quelques
semaines à plusieurs mois. Pour l'instant, près d'une
vingtaine de membres issus de la diaspora ont effectuées
près d'une trentaine de retours temporaires au Ghana.
Parallèlement, plusieurs étudiants ghanéens
ont déjà eu l'occasion d'effectuer des stages aux
Pays-Bas et au Royaume-Uni. Cette tendance devrait se poursuivre
à la hausse dans le futur et d'autres pays européens
seraient intéressés à participer au
programme.

Le rôle des transferts de fonds

L'activité où les migrations jouent un rôle
essentiel pour le développement économique des pays
d'origine est sans conteste les transferts de fonds
effectués par les diasporas. Ces transferts de fonds, avant
tout privés, contribuent à faire reculer le niveau de
pauvreté des bénéficiaires, à
compléter leurs revenus et à leur apporter des fonds
qui serviront pour la consommation, l'épargne ou les
investissements dans des domaines liés au
développement tels que l'éducation, la santé
ou les activités entrepreneuriales.

Mais des obstacles subsistent encore. Des mesures incitatives
doivent être entreprises dans cette direction, telles que la
réduction des coûts de ces transferts pour les
migrants ou encore le développement de moyens efficaces et
plus sécurisés. Banques, mutuelles de crédit
et établissements de micro financement s'étant joint
aux organismes de transfert de fonds pour proposer des services aux
populations en développement, ces frais commencent à
diminuer. Mais il est possible de les faire baisser davantage et
d'élargir l'accès des migrants et de leur famille aux
établissements financiers. Cet accès permet aux
migrants et à leur famille d'épargner, d'obtenir un
crédit et d'acquérir des biens productifs.

Ainsi, il nous faut sans conteste soutenir les pays d'origine
dans le processus de réformes institutionnelles, politiques
et économiques pour une bonne gouvernance. Il faut leur
permettre d'établir de bonnes conditions préalables
afin que les migrants puissent contribuer au développement
plus efficacement en renforçant les capacités de ces
pays.

Cependant, le développement ne s'entend pas seulement
comme développement économique mais englobe aussi les
droits de l'homme et les notions liées au
développement humain en permettant l'accroissement des
capacités et des choix à travers la santé,
l'éducation, un niveau de vie décent et la
liberté politique. Grâce aux migrations, les migrants
deviennent les ambassadeurs de la modernisation, de la
démocratisation et du respect des droits de l'homme, et
peuvent être des exemples pour leur pays d'origine.

Migrations et genre

A cet égard, les migrations peuvent jouer un rôle
dans le développement de la condition des femmes et des
autres groupes vulnérables en leur accordant une place plus
importante et en veillant à la protection de leurs droits.
En effet, les femmes migrantes représentent près de
la moitié des 195 millions de migrants internationaux de par
le monde. Elles émigrent pour une variété de
raisons et sont influencées par différentes personnes
à plusieurs niveaux. Elles se déplacent
volontairement à la recherche d'un emploi qui peut leur
garantir une vie digne, ou involontairement fuyant des situations
des conflits armés et des guerres. Par leur travail, elles
enrichissent les pays d'accueil mais aussi leur pays d'origine en
transférant une partie de leurs revenus vers leurs pays
d'origine, ce qui contribue à réduire la
pauvreté. Mais surtout, c'est par le travail que les femmes
gagnent en autonomie. L'éducation, l'expérience
professionnelle et l'indépendance économique acquises
à l'étranger peuvent les libérer des
rôles qui leur sont traditionnellement dévolus et les
mettre en mesure d'exercer leurs droits plus efficacement. Cette
migration a le potentiel de contribuer à la
réalisation d'un des Objectifs du Millénaire pour le
Développement qui est la recherche de
l'égalité des genres.

D'un autre côté, en migrant, les femmes peuvent
être exposées à de nombreux risques. Ces
dernières sont plus sujettes aux discriminations, aux abus
physiques, sexuels ou verbaux, ou encore au trafic d'êtres
humains. L'OIM n'a cessé d'interpeller les gouvernements sur
la nécessité d'adopter des politiques
adéquates en matière de lutte contre toutes les
violences envers les femmes migrantes afin d'assurer une protection
efficace et efficiente de leurs droits. A ce titre, je me
réjouis de la place qui est accordée à la
question de l'égalité des genres dans ce
colloque.

Perspectives des politiques migratoires

Ainsi, afin que les pays d'accueil et pays d'origine soient
mutuellement gagnants, un équilibre entre les
intérêts des parties prenantes doit être
trouvé. Les gouvernements des pays d'origine et de
destination doivent travailler en étroite collaboration non
seulement les uns avec les autres, mais aussi avec les entreprises
et la société civile afin de mettre leurs ressources
en commun et d'investir dans la création du capital humain
nécessaire. Le co-développement demeure par
conséquent la clé de voûte du
développement. Cette cohérence des politiques est une
condition nécessaire pour tirer partie des avantages que
peuvent offrir les migrations au développement. Cela suppose
de faire en sorte que les migrations soient intégrées
dans les ordres du jour du développement national des pays
en développement et les axes de coopération des pays
donateurs et des institutions internationales.

Actuellement, la plupart des cadres stratégiques de
développement, tels que les Objectifs du Millénaire
pour le développement, et la plupart des politiques
gouvernementales en la matière, tels que les Documents de
stratégie pour la réduction de la pauvreté
(DSRP), n'intègrent pas systématiquement les
considérations relatives à la migration.

Une intégration réussie des migrations dans les
ordres du jour nationaux, régionaux et internationaux du
développement et l'élaboration de politiques et de
programmes efficaces de développement exigent une parfaite
compréhension des relations complexes qui unissent les deux
phénomènes. Il faut notamment améliorer les
données et statistiques relatives aux migrations et mettre
au point de meilleurs indicateurs pour mesurer l'impact des
migrations sur le développement, ce qui permettra encore une
fois de mieux intégrer cette question dans les politiques de
développement.

Pour que la contribution des migrations au développement
soit pleinement effective, elle doit s'appuyer sur un partenariat
global qui prendrait en compte tous les facteurs clés pour
le développement : les systèmes de transferts de
fonds des migrants, la libéralisation des mouvements de
population, l'importance des transferts de compétences entre
les pays d'accueil et d'origine. Enfin, le caractère
transnational des réseaux de diasporas et leur impact sur le
développement doit subir une étude plus
poussée.

L'heure est donc venue de faire appel à la bonne
volonté de la communauté internationale -
gouvernements, organisations internationales, secteur privé
et société civile - pour arriver à des
résultats concrets.

Mais n'oublions pas au final, que les migrants doivent
comprendre qu'ils ne sont pas seulement considérés
comme des ressources et qu'ils doivent exprimer leur volonté
de s'impliquer non seulement auprès des décideurs
politiques de leurs pays d'origine mais également
auprès des autorités des pays hôtes.

Je vous remercie.