Communiqué
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L'endettement touche 68% des migrants de retour dans six pays d'Afrique de l'Ouest, compromettant leur réintégration dans leur pays

Dakar - Une étude réalisée par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) concernant l'impact de l'endettement sur les migrants de retour dans six pays d'Afrique de l'Ouest révèle que 68 pour cent d'entre eux sont endettés, tandis que plus des deux tiers qualifient la honte ou le poids de leur endettement d'obstacle à leur réintégration dans leur communauté d'origine.

Alors que la migration devient de plus en plus dangereuse et coûteuse, de nombreux migrants contractent des emprunts et s'endettent auprès de leurs proches et amis pour financer leur périple. Sur le plan personnel - social et psychologique -, beaucoup de personnes interrogées ont fait état de sentiments d'anxiété, d'échec, d'isolement social et de peur de ne pas pouvoir rembourser leurs emprunts.

L'étude, menée par le Bureau régional de l'OIM à Dakar, a été réalisée au Burkina Faso, en Côte-d'Ivoire, en Guinée, au Mali, au Sénégal et en Gambie. Une faible part de migrants - environ 8 pour cent - ont admis avoir été physiquement agressés par leurs créanciers. Un migrant de retour au Mali a déclaré avoir perdu l'usage de sa jambe gauche après avoir subi une blessure par balle tirée par un prêteur.

L'OIM encourage la mise en œuvre de programmes visant à sensibiliser les migrants potentiels, les migrants de retour, leurs familles et leurs communautés aux conséquences économiques et psychosociales de la dette liée à la migration sur la réintégration. L'OIM recommande également l'élaboration de programmes de protection ciblant les migrants de retour endettés.

À ce jour, l'OIM a aidé 68 842 migrants à retourner dans les six pays pris en compte pour cette étude dans le cadre de l'initiative conjointe OIM-UE pour la protection et la réintégration des migrants.

L'étude fait état d’une moyenne de 511 euros d'endettement par migrant. Pour mieux comprendre l'importance de ce chiffre, on peut le comparer au salaire moyen dans la région du Sahel. Au Burkina Faso par exemple, 800 euros sont considérés comme un salaire annuel moyen.

Au total, le montant estimé de l'endettement de l'ensemble des migrants de retour dans les six pays étudiés pourrait atteindre 15 millions d'euros. Cette somme équivaut à environ 10 pour cent de tous les envois de fonds au Mali par les migrants en provenance de France.

Si l'on fait le calcul ci-dessus, emprunter l'équivalent d'une année de revenus en échange d'une chance de multiplier les revenus de ce que l'on peut attendre dans son pays peut sembler être un investissement intelligent. Mais il y a un inconvénient : les coûts à long terme d'un échec peuvent être accablants.

Selon Sokhna Sy, chargée de recherche régionale pour l'OIM en Afrique de l'Ouest et Afrique centrale, le retour au pays sans aucune contribution pour la famille - mais au contraire dans un état encore plus précaire qu'avant le départ - peut constituer un échec pour les familles.

« Cela a des conséquences durables sur la réintégration socioéconomique des migrants de retour », a-t-elle déclaré. « La confiance que les créanciers ont placée dans le migrant est compromise et les migrants de retour rencontrent de sérieuses difficultés pour rembourser les dettes tant sociales que financières ».

De plus, le fait d'emprunter de l'argent pour migrer et de ne pas pouvoir ensuite rembourser ces prêts peut représenter un danger physique réel pour les migrants et leurs familles. L'étude révèle qu'un migrant de retour endetté sur cinq a déclaré avoir été menacé, maltraité ou soumis à des actes de violence pour le forcer à rembourser ses dettes.

« La personne sans dette est bien plus avancée que celle qui est déjà endettée », a déclaré Lamine*, un migrant de retour en Gambie. « Elle a plus de chances de réussir avec un programme de réintégration. Car si vous êtes endetté, vous avez une double responsabilité : payer la dette et essayer de repartir à zéro ».

Réalisée entre février et avril 2020 par le Bureau régional de l'OIM à Dakar, cette étude fait partie du programme « Sécurité, soutien et solutions le long de la route de la Méditerranée centrale » financé par UK Aid/FCDO, l'agence britannique de politique étrangère et de développement.

*ce nom a été changé pour protéger l'identité de la personne interrogée.

Pour lire l'étude complète :

En anglais

En français

Pour plus d'informations, veuillez contacter Sokhna Sy, chargée de recherche régionale - Unité recherche & données pour l’OIM en Afrique de l'Ouest et Afrique centrale, Tél : +221 33 869 62 00.   Email : SSY@iom.int.