Communiqué
Global

6 000 migrants sont décédés en 2017 : « seulement une partie du nombre réel » d’après le CMADM

Berlin - D’après le Projet de l'OIM sur les migrants disparus (en anglais), l’an dernier, 6 142 décès et disparitions ont été recensés lors du processus de migration à travers le monde. Plus de 6 000 victimes ont été enregistrées par le Projet pour la troisième année consécutive. Depuis que l’OIM a commencé à comptabiliser les décès de migrants en 2014, près de 26 000 décès ont été enregistrés, mais ce ne sont qu’une partie du nombre réel de victimes décédées le long des itinéraires migratoires à travers le monde.

William Lacy Swing, Directeur général de l’OIM, a souligné que « tous les décès et disparitions lors de la migration ne sont pas signalés - dans de nombreuses régions du monde, les corps ne sont jamais retrouvés et de nombreux migrants ne sont jamais identifiés. »

« Nous répétons sans cesse que les sources de données officielles font cruellement défaut », a déclaré Frank Laczko, Directeur du Centre d'analyse des données, où est basé le Projet de l’OIM sur les migrants disparus. « Cela signifie que nous ne pouvons souvent compter que sur les actualités médiatiques et les entretiens avec des migrants pour recueillir des données. » Il a ajouté que même dans la Méditerranée, où le MMP a enregistré plus de 3 000 morts chaque année depuis 2014, seuls quelques Etats publient des informations sur les corps rapatriés vers leurs côtes, et aucun n’établit d’estimation du nombre de migrants morts en mer. Toutefois, le MMP a enregistré plus de 15 000 décès dans la Méditerranée depuis 2014.

Le MMP a enregistré 3 139 décès et disparitions dans la Méditerranée l’an dernier, dont plus de 90 pourcent sur l’itinéraire de la Méditerranée centrale entre l’Afrique du Nord et l’Italie. Bien que ces chiffres soient plus faibles que les 5 143 décès recensés dans la Méditerranée en 2016, il faut préciser que ce sont des estimations minimales.

Les corps de plus de 300 personnes ne découlant pas directement de naufrages enregistrés ont été retrouvés sur les côtes de Libye et de Tunisie l’an dernier, ce qui indique que d’autres naufrages passés inaperçus pourraient avoir lieu sur l’itinéraire de la Méditerranée centrale. « La plupart des corps retrouvés sur les plages d’Afrique du Nord ne font jamais la une des médias car ils s’échouent seuls ou par deux », a déclaré Julia Black, coordonnatrice du MMP. « Un ou deux décès à la fois n’intéressent pas les médias. Pourtant, en 2017, nous avons recensé plus de 60 de ces cas, pour 371 victimes au total. »

Sur le continent africain, le MMP a enregistré plus de 1 700 décès de migrants, dont plus de 690 dans le désert du Sahara. Le dernier rapport de l’OIM sur les décès de migrants, la deuxième partie de Fatal Journeys 3: Improving data on missing migrants (en anglais), indique que des milliers de migrants mourraient chaque année lors de leur périple à travers l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord.

Les experts qui ont contribué au rapport ont mis en avant les récits terribles de maltraitance, de torture et de travail forcé qui sont monnaie courante chez les migrants en transit à travers le continent. En Afrique, il n’existe aucune source publique de données sur les décès de migrants et les actualités médiatiques sont difficiles à suivre compte tenu du millier de langues parlées sur le continent.

De ce fait, les données du MMP en Afrique reposent grandement sur les témoignages oculaires recueillis lors de sondages, qui sont souvent impossibles à vérifier.

« Le personnel de l’OIM élimine toute information qui pourrait être un doublon », a déclaré Julia Black, « mais une très faible proportion de migrants se déplaçant à travers l’Afrique est sondée. » Parmi ceux qui sont interrogés, bon nombre déclarent avoir été témoins de la mort de leurs compagnons de route : par exemple, dans un sondage réalisé auprès de plus de 500 migrants voyageant à travers l’Afrique de l’Est entre juin et décembre 2017, plus de 25 pourcent ont déclaré avoir été directement témoin de la mort d’un autre migrant.

Toutefois, certaines ONG comme l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme, recensent les décès de civils et recueillent des témoignages oculaires sur les migrants qui ont trouvé la mort en tentant de franchir des frontières internationales. Les données opérationnelles s’ajoutent aussi aux rares données sur les décès de migrants au Moyen-Orient : la Mission de l’OIM en Afghanistan a rapatrié 96 corps de migrants qui tentaient de se rendre en Iran, dont 81 sont morts dans des accidents de la route.

Dans le reste du monde, les données du MMP révèlent les risques monumentaux que prennent les migrants lorsqu’ils entreprennent de dangereux périples, souvent avec l’aide de passeurs, pour ne pas se faire détecter par les autorités. Alors que l’OIM a recensé 669 décès de migrants sur le continent américain l’an dernier, les experts du rapport Fatal Journeys 3 font état du peu de connaissances sur les décès et disparitions de migrants qui ont lieu en Amérique centrale.

Les statistiques fiables sur les disparitions de migrants sont à la fois difficiles à obtenir et controversées, mais une étude réalisée par l’organisation mexicaine Movimiento Mesoamericano Migrante a fait état de plus de 70 000 migrants disparus au Mexique entre 2006 et 2016.

Les preuves des risques croissants que prennent les migrants dans les Amériques sont manifestes dans les données du MMP pour la région frontalière entre le Mexique et les Etats-Unis. « Malgré une baisse de 44 pourcent des arrestations à la frontière rapportées par l’US Border Patrol entre 2016 et 2017, nous avons enregistré 415 décès de migrants à cette frontière l’an dernier, contre 398 en 2016 », a déclaré Julia Black.

Même si le nombre d’arrestations ne reflète pas le nombre total de traversées de migrants, il montre que cette frontière est de plus en plus meurtrière. Le MMP a notamment enregistré 189 décès de migrants à la frontière texane en 2017, soit une hausse de 24 pourcent par rapport aux 152 décès recensés dans l’Etat en 2016. Comme le rapportait l’OIM au début du mois, le nombre de décès de migrants le long de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis est resté élevé en 2017.

L’Asie du Sud-Est, où 300 décès de migrants ont été enregistrés l’an dernier, est une autre région sensible. Les experts qui ont contribué au récent rapport Fatal Journeys de l’OIM soulignent qu’il ne s’agit que d’une partie du nombre réel, car plus de 650 000 Rohingyas ont migré irrégulièrement vers le Bangladesh depuis août 2017. Les chiffres de cette année comprennent 250 migrants rohingyas, dont 80 femmes et 81 enfants, qui ont péri en tentant de traverser la frontière depuis le Myanmar.

« Nous voyons que dans certains contextes d’urgence, l’âge et le sexe des migrants qui disparaissent ou meurent sont mieux documentés en raison de l’attention médiatique accrue et des témoins qui souhaitent signaler ces cas aux autorités. Néanmoins, les informations sur l’âge et le sexe ne sont tout simplement pas disponibles pour la grande majorité des décès de migrants que nous enregistrons, ce qui rend l’identification de milliers d’individus extrêmement difficile », a expliqué Frank Lackzo.

En dépit des risques accrus que courent les femmes et les enfants pendant la migration, seulement 70 pourcent des décès enregistrés par le MMP en 2017 contenaient des informations sur l’âge et le sexe. Frank Laczko a souligné que « le manque de données sur le sexe, l’âge et le pays d’origine ne permet pas de comprendre qui entreprend ces dangereux périples et pourquoi. »

William Lacy Swing, Directeur général de l’OIM, a déclaré qu’ « améliorer les informations sur l’identité de ces migrants disparus, sur leur lieu d’origine et surtout, sur le moment où ils sont le plus à risque, est crucial pour entreprendre une action globale en vue de réduire le nombre de décès de migrants. »

Le récent rapport de l’OIM Fatal Journeys émet cinq recommandations pour améliorer les données sur les migrants disparus et ainsi rendre la migration plus sûre. L’une des recommandations les plus réalisables est d’améliorer le partage des données. Les données de l’OIM sur les décès de migrants à travers le monde démontrent que les informations et les données sont dispersées à travers différentes sources. Il est indispensable d’améliorer la communication entre les gouvernements, les ONG et les témoins oculaires qui travaillent sur la question des décès de migrants pour mieux en comprendre l’ampleur réelle.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :
Joel Millman at IOM HQ, Tel: +41 79 103 8720, Email: jmillman@iom.int
Julia Black, IOM GMDAC, Tel: +49 30 278 778 27, Email: jblack@iom.int