Migrant Stories

Les trafiquants promettent le paradis mais vous envoient en enfer

Tout le monde aime vivre dans un environnement pacifique et être heureux. Parfois, cependant, en tant qu’êtres humains, nous pouvons ressentir de la tristesse, de la peur, de la douleur, de la honte, de la solitude, etc. dans notre vie de tous les jours. Cela peut durer quelques secondes, quelques heures ou quelques jours, puis la vie reprend son cours normal. Mais certaines personnes n’ont pas cette chance, en particulier celles qui sont victimes de catastrophes ou de crimes. Celles-ci souffrent beaucoup et il leur faut longtemps pour se rétablir, ou elles peuvent souffrir toute leur vie. Au cours des cinq années que j’ai passées à l’OIM, j’ai vu et rencontré des personnes appartenant aux deux catégories.

Le tsunami de décembre 2004 a été un cauchemar. En quelques secondes, des gens ont perdu leurs proches et tous leurs biens. J'ai eu la chance de pouvoir les aider pendant trois ans grâce à divers projets de l’OIM. Tandis que je travaillais avec eux, j'avais l'impression qu'ils constituaient le groupe le plus vulnérable et le plus malchanceux qui puisse exister.

Mais, après 2008, je me suis occupé d’un autre groupe de victimes aussi infortunées, voire plus encore que celles du tsunami, qui souffraient chaque seconde de leur vie. Il s'agit des victimes de la traite des êtres humains. La plupart étaient des personnes défavorisées ayant un revenu très faible qui ne suffisait pas à couvrir les besoins quotidiens de la famille. Elles s’efforçaient donc de gagner un peu plus d'argent pour pouvoir satisfaire au moins leurs besoins élémentaires. Dans cette situation désespérée, beaucoup ont choisi de migrer pour tenter de trouver un emploi à l'étranger, voyant là « l’une des meilleures solutions » pour réaliser leur rêve. Mais toutes n'ont pas eu la chance d'obtenir un travail correct, et la plupart ont été facilement trompées. J'ai rencontré beaucoup d’hommes et de femmes victimes de l’exploitation sexuelle et du travail forcé à Sri Lanka et dans d'autres pays.

Mon expérience personnelle au contact avec ces victimes m'a appris qu'elles n’étaient pas prêtes à croire n'importe qui, qu'elles refusaient de parler des mauvaises expériences vécues, et qu'elles étaient pessimistes quant à leur avenir. Il est donc très difficile de s'occuper d'elles, même lorsqu'il s'agit de leur porter assistance. Nous devons tout d’abord les amener à reprendre confiance, puis à envisager leur avenir sous un jour positif. Ainsi, celles qui ont sollicité notre assistance ont pu reconstruire leur vie grâce aux programmes de l’OIM sur les moyens de subsistance, et sont peu à peu parvenues à gagner un bon revenu. Ce fut le cas d'un jeune homme de la banlieue de Colombo qui a été victime de la traite des êtres humains, et dont je voudrais vous raconter l’histoire.

Un jour, un jeune homme de 26 ans s’est rendu à l’OIM et m’a raconté sa mauvaise expérience et la manière dont il avait été trompé. Son visage exprimait la tristesse, sa voix tremblait souvent et ses yeux étaient pleins de larmes. Je l'ai encouragé à poursuivre son récit. Comme n'importe quel autre jeune homme de son âge, il avait de nombreux rêves qu’il voulait réaliser. Son père était diabétique et ne pouvait travailler ; sa mère était ouvrière, payée à la journée. Sa sœur avait arrêté l'école et restait à la maison, sans travail. Il était leur seul soutien et devait assumer toutes les responsabilités. Il a essayé de trouver un travail à Sri Lanka, sans succès. Il a finalement décidé de partir à l'étranger pour chercher un emploi. Avec toutes les peines du monde, il a emprunté de l'argent et payé un agent de recrutement pour qu’il lui trouve un travail à l'étranger. Celui-ci a promis de l'envoyer en Afghanistan pour travailler sur une base militaire à raison de 150 000 roupies (1 177 dollars E.?U.) par mois. Malheureusement, le voyage s’est terminé dans une prison afghane. Il n'a jamais obtenu d'emploi en Afghanistan et été jugé coupable d'avoir dépassé l'autorisation de séjour avec un visa falsifié. Il est resté en prison environ trois mois. Selon ses propres termes, ce fut un véritable enfer. Au bout de quelques mois, il a réussi à revenir à Sri Lanka, les mains vides. Il a bien essayé de contacter l'agent mais, comme souvent dans de tels cas, celui-ci fut impossible à joindre et avait disparu.

Après une série d’entretiens avec ce jeune homme et sa famille, je me suis rendu compte qu’il était vraiment une victime et que c’était quelqu’un de sincère, si bien qu’il a été sélectionné pour bénéficier du programme de l’OIM sur les moyens de subsistance destiné aux victimes de la traite. J’ai eu de longues discussions avec lui, qui m’ont permis de me faire une première idée de ses capacités et compétences. Il a été ravi en apprenant que l’OIM pouvait l’aider à démarrer une petite affaire. Il m’a alors dit qu’il voudrait ouvrir une boutique de télécommunications avec un service de réparation de téléphones mobiles.

Il a reçu des instructions pour trouver un local dans une zone commerciale. La boutique n’a pas tardé à ouvrir, et le programme de l’OIM l’a aidé à payer le loyer et à acheter le matériel de télécommunication, ainsi que les outils et les appareils de réparation des téléphones. Je l’ai suivi de près et l’ai conseillé d’un bout à l’autre du processus, depuis l’achat des articles jusqu’au jour d’ouverture. Ce jour-là, il a de nouveau pleuré, mais cette fois, de joie.

Aujourd’hui, c’est un homme d’affaires qui réussit et gagne un revenu mensuel de 30 000 roupies (235 dollars E.?U.), et sa boutique est ouverte de 6 heures à 22 heures. C’est un grand travailleur, qui s’investit considérablement, et est reconnu par ses pairs. Sa réussite a fait l’objet d’une plus grande reconnaissance encore, lorsque son entreprise fut classée parmi les cinq meilleures sociétés de télécommunications de l’ouest de Colombo.

Derrière ces expériences réussies se trouve toute l’équipe de l’Unité de lutte contre la traite des êtres humains de l’OIM. La traite étant un crime organisé, plusieurs personnes sont impliquées dans une affaire et, parfois, nous sommes menacés par les trafiquants et leurs associés. J’invite instamment quiconque soupçonne une personne d’être victime de cette pratique à contacter les autorités.

Subodha M. Malawara Arachchi
Coordonnateur de projet
Unité de lutte contre la traite des êtres humains
OIM Colombo