Déclarations et discours
10 déc 2013

Un Honneur de Travailler Avec un Leader si Inspirant: Mandela

Auteur : M. William Lacy Swing, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations

Lieu : Genève, Suisse

Dans l’avion en route vers l’Afrique du Sud pour les funérailles du Président Mandela, j’ai pris conscience, avec une certaine ironie que, cinquante ans plus tôt, presque jour pour jour, j’arrivais en Afrique du Sud pour mon premier mandat diplomatique.

La triste occasion qui me ramène en Afrique du Sud me rappelle que quelques semaines après mon arrivée en décembre 1963 se jugeait le procès de Nelson Mandela à Rivonia, un riche quartier « blanc ». Trois ans plus tôt avait eu lieu l’interdiction du parti ANC (Congrès national africain) et le massacre qui avait coûté la vie à soixante-neuf hommes, femmes et enfants.

Lors de cette période exaltante de l’Administration du nouveau Président élu John F. Kennedy, son Secrétaire d’Etat adjoint G. Mennen Williams (que l’on appelait « Soapy » en raison de la fortune familiale dans les produits de rasage à Detroit), a insisté pour briefer personnellement tous les diplomates américains, leurs épouses et enfants sur notre politique vis-à-vis de l’Afrique du Sud, avant leur départ en Afrique du Sud. G. Williams nous a communiqué les éléments essentiels de cette nouvelle politique : (a) plus aucune visite de la Marine américaine à Simonstown au Cap ; (b) tous les évènements officiels de la représentation américaine (réceptions, diners, fêtes nationales) devaient désormais être multiraciaux ; et (c) un éventail de sanctions serait appliqué le cas échéant.

Ainsi, chaque diplomate arrivait en Afrique du Sud avec des instructions très clairement anti-apartheid, sur lesquelles aucun doute ni débat n’était permis de notre part.

Je suis arrivé en Afrique du Sud en plein milieu d’une période particulièrement mauvaise et violente. Par exemple, à Port Elizabeth et au Cap-Oriental, où j’étais en poste dans notre consulat de deux personnes, une série de procès qui semblait interminable avait lieu dans le cadre de la prétendue « Loi de suppression du Communisme. »

Comme la majeure partie de la législation à cette période, cette loi servait de prétexte pour arrêter et emprisonner indéfiniment toute personne que le régime de l’apartheid considérait comme partisan d’actes ou de discours anti-apartheid.

La « politique bantoustan » du gouvernement Verwoerd était aussi clairement en place au Cap-Oriental, où deux de ces nouveaux « états » noirs africains « indépendants » allaient être établis. Outre mes fonctions consulaires et mes comptes rendus sur l’industrie automobile locale (dans laquelle les Etats-Unis investissait considérablement), j’ai également communiqué sur le statut de la mise en œuvre de politiques gouvernementales dans les bantoustans Transkei et Ciskei, deux des quelque neuf bantoustans les plus importants. J’ai ensuite couvert les deux premières élections législatives Transkei. Mes principaux contacts étaient avec les dirigeants de l’opposition, notamment, Victor Poto  et Knowledge Guzana.

Il est très vite devenu évident que la politique Bantoustan était plus une fiction et qu’elle était vouée à l’échec car ces deux « états » ne seraient jamais crédibles aux yeux du peuple noir d’Afrique du Sud, largement majoritaire.

Par conséquent, lorsque j’ai terminé ma mission en 1966, j’ai juré de ne jamais revenir dans une Afrique du Sud de l’apartheid, et j’ai tenu ma promesse… enfin presque.

Vingt-quatre ans plus tard, le Président George H.W. Bush m’a nommé Ambassadeur en Afrique du Sud et m’a remis une lettre pour M. Mandela, exprimant son soutien envers lui et en faveur de sa libération. J’ai été témoin de sa libération de prison le 19 février 1990, moins de six mois après mon arrivée.

De sa libération de la prison de Paarl jusqu’à mon départ d’Afrique du Sud un an avant les élections postapartheid, j’ai souvent rendu visite à M. Mandela à son bureau et chez lui à Soweto.

Pendant cette période, par l’intermédiaire de l’Archevêque Desmond Tutu, j’ai arrangé un rendez-vous téléphonique avec le Président Bush, au cours duquel il a invité M. Mandela à lui rendre visite à la Maison Blanche. Je me souviens précisément avoir accompagné M. Mandela en juin 1990 à son rendez-vous avec le Président Bush à la Maison Blanche, avec Winnie Mandela, Thabo Mbeki et d’autres dirigeants de l’ANC.

Pendant cette visite, j’ai encore une fois été impressionné par les qualités personnelles pour lesquelles nous nous souvenons tous, moi et tant d’autres, de M. Mandela : sa convivialité, son engagement envers ses principes et la stratégie politique grâce à laquelle il est si bien parvenu à la réconciliation. Il est le dirigeant politique le plus impressionnant qu’il m’a été donné de connaître. J’étais et reste extrêmement impressionné par son courage, son absence de ressentiment et son engagement envers la réconciliation. M. Mandela reste une inspiration pour tous les dirigeants.

William Lacy Swing, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrants, Johannesburg, 10 décembre 2013